Anx-VII : Analyse de la situation par l'exploitant

Annexe VII : Analyse de la situation par l'exploitant

Chaque établissement est unique : l’évaluation de la situation ne peut pas être transposée d’un établissement à l’autre. Tout établissement doit mettre en place ses propres procédures de gestion des non-conformités, et savoir les adapter à chaque situation d’alerte.

Cette annexe propose un cadre général adaptable pour l’évaluation de la situation par l’exploitant tout au long de l’alerte pour les cas les plus fréquents.

Remarque importante :

Dans la mesure du possible, pour les situations d’alerte prévisibles, et notamment pour celles qui découleraient de la détection d’un autocontrôle non conforme, les investigations, les mesures de gestion sur les produits, les mesures correctives ou préventives et les vérifications, y compris les contrôles renforcés, devraient être précisément encadrés par le plan de maîtrise sanitaire de l’établissement.

L’origine et la cause de la non-conformité

L’évaluation de la situation doit amener rapidement l’exploitant à formuler une ou plusieurs hypothèses privilégiées pour expliquer l’origine de la non-conformité.

Pour étayer ses hypothèses, l’exploitant peut s’appuyer notamment sur les résultats de ses propres autocontrôles analytiques (analyses de surfaces, analyses de produits finis, etc.) mais aussi non analytiques (enregistrements des détecteurs de métaux, des contrôles visuels du nettoyage-désinfection de locaux, des températures des chambres froides, des courbes temps-température d’une cuisson, des contrôles à réception, etc.).

Cette évaluation doit aussi permettre à l’exploitant d’évaluer si son établissement est le lieu probable de survenue de la non-conformité ou pas.

Lorsque la denrée faisant l’objet de la non-conformité n’est plus en sa possession, l’exploitant peut s’interroger sur la possibilité que la non-conformité ne soit pas de son fait mais soit survenue secondairement.

Ces hypothèses contribuent à déterminer l’ampleur des mesures de gestion. Par exemple, s’il est considéré que la non-conformité (contamination microbiologique, chimique, ou encore par un corps étranger, etc.) d’un produit est secondaire à des manipulations survenues en magasin de détail (restaurant, tout autre établissement susceptible d’avoir manipulé le produit, ou encore chez le consommateur), il n’y a pas lieu de mettre en œuvre des mesures de gestion sur tout le lot du fabricant. Les mesures de gestion ne porteront que sur les unités de produits manipulées par le magasin de détail.

Ainsi, le questionnement sur l’origine et la cause de la non-conformité diffère en fonction de la place des exploitants dans la chaîne et de la manipulation du produit :

  • dès lors qu’un exploitant est le dernier manipulateur (fabrication, conditionnement, déconditionnement, etc.) de la denrée non conforme, il doit apprécier si la non-conformité est survenue lors de sa manipulation ou si elle était présente auparavant ;

    Exemples :

    • Non-conformité d’un produit au niveau de l’établissement de fabrication : l’exploitant vérifiera si la non-conformité était déjà présente dans la matière première ou est survenue en cours de fabrication. En fonction de son procédé de fabrication, des incertitudes sur le bon déroulement d’une ou de plusieurs étapes du procédé, il est ainsi amené à exclure ou au contraire inclure des hypothèses de contamination.

    • Non-conformité d’un produit au niveau d’un commerce de détail ou encore d’un restaurant : dès lors que la non-conformité porte sur un produit non conforme qui a été déconditionné et même éventuellement exposé nu en rayon traditionnel ou reconditionné ou cuisiné, l’exploitant doit s’interroger sur la possibilité que la contamination soit secondaire, c’est-à-dire survenue au sein de son établissement et ne préexistait donc pas dans le produit.

  • à l’opposé, l’exploitant qui met en évidence une non-conformité sur une denrée qu’il détient mais n’a pas manipulée peut souvent conclure que la non-conformité était présente dans le produit reçu. Cependant en fonction de la non-conformité, il devra aussi s’interroger sur la conformité des conditions de stockage au sein de son établissement (exemple : rôle des conditions de température et durée de conservation lorsque le produit est non conforme du fait d’une teneur élevée en histamine).

La nature de la non-conformité doit également être prise en compte dans la réflexion : les causes et sources de survenue varient selon le danger (environnement, matrices propices à sa survenue, etc.).

Par exemple, pour certaines non-conformités (contamination élevées en E. coli, présence d’une teneur importante en histamine), une rupture de la chaîne du froid ou de la chaîne du chaud au niveau de l’un des détenteurs successifs du produit non conforme devrait aussi être envisagée pour expliquer l’origine de la non-conformité détectée.

L’analyse de risque de l’exploitant doit identifier, pour chaque danger, les sources les plus probables.

Cette analyse doit reposer sur les données propres à l’alerte mais elle devrait aussi s’appuyer sur l’analyse des dangers déjà réalisées par le professionnel dans le cadre de l’établissement de ses procédures.

Enfin, les hypothèses sur l’origine et la cause de la non-conformité sont susceptibles d’être réévaluées régulièrement tout au long de la gestion de l’alerte, au fur et à mesure que de nouvelles informations sont obtenues (résultats d’analyse, informations des fournisseurs, des clients, réception ou non de nouvelles plaintes consommateurs, etc.).

Remarque importante : qu’est-ce qu’un produit manipulé ? 

Un produit est dit manipulé dès lors que son conditionnement d’origine est ouvert.

Pour des produits type viande fraîche, saucissons ou fromages qui ne sont pas conditionnés individuellement ou pas de façon hermétique, le produit est dit manipulé :

  • dès lors que les produits sont touchés manuellement ou mis au contact d’un autre équipement que le support ou contenant d’origine (exemple : saucissons sortis de leurs cartons, fromages posés sur une nouvelle planche d’affinage, ou encore produit exposé en rayon) ;

  • ou dès lors que les produits sont stockés de façon à être exposés à des contaminations par l’environnement (exemple : caisse ouverte contenant des carcasses de poulet, saucissons suspendus dans une chambre froide).

Ainsi, de façon générale, lorsqu’un exploitant réalise un autocontrôle visuel, de température, analytique (ou autre) pour vérifier la conformité d’un produit qu’il a acheté, il est préférable qu’il réalise le contrôle dès réception du produit considéré, en particulier pour les produits non conditionnés.

Dans le cas d’un autocontrôle analytique sur les produits à réception, les produits conditionnés devraient être envoyés en l’état (non déconditionnés) au laboratoire pour analyse. À défaut, les produits conditionnés devraient être prélevés immédiatement à l’ouverture du conditionnement.

Enfin, le prélèvement est idéalement réalisé par un technicien de laboratoire. Lorsque le prélèvement est réalisé par l’exploitant, ce dernier devrait disposer de procédures permettant de montrer que le prélèvement a été réalisé dans les meilleurs conditions possibles (exemple : dès ouverture du conditionnement, avec du matériel stérile).

Les mesures de gestion à mettre en œuvre sur les produits

L’exploitant doit statuer sur la nécessité d’un retrait ou d’un retrait avec information du consommateur, voire d’un rappel. Il convient en particulier de vérifier si l’on est dans une des situations décrites en 5.1.2 – Information du consommateur.

L’inventaire des produits sur lesquels les mesures doivent porter

Cet inventaire doit permettre d’identifier les produits et les lots qui doivent faire l’objet des mesures de gestion.

Conformément à l’article 14, paragraphe 6, du règlement (CE) n°178/2002, lorsqu'une denrée alimentaire dangereuse fait partie d'un lot ou d'un chargement de denrées alimentaires de la même catégorie ou correspondant à la même description, il est présumé que la totalité des denrées alimentaires de ce lot ou chargement sont également dangereuses, sauf si une évaluation détaillée montre qu'il n'y a pas de preuve que le reste du lot ou du chargement soit dangereux.

L’exploitant doit en outre vérifier, en fonction de son analyse de la situation, s’il est indispensable pour préserver la santé publique de mettre en œuvre des mesures de gestion sur d’autres lots ou d’autres produits que ceux sur lesquels la non-conformité a été mise en évidence.

Cette évaluation peut évoluer tout au long de l’alerte en fonction des éléments obtenus suite aux investigations. L’évaluation de la situation peut amener à étendre les mesures de gestion à des produits de nature très différentes de ceux initialement visés.

Exemples :

  • Il est soupçonné que la non-conformité est survenue lors du conditionnement. Dès lors, l’exploitant doit s’interroger sur la possibilité que d’autres lots de produits conditionnés dans les mêmes conditions aient aussi été contaminés. L’exploitant pourra être amené à rejeter cette hypothèse si les équipements ont été nettoyés-désinfectés entre les lots et que rien n’indique que ce nettoyage-désinfection n’ait pas été efficace. Au contraire, en cas de résultats d’analyses défavorables de l’environnement, il pourra être amené à estimer que l’ensemble des produits conditionnés dans les mêmes conditions ont été contaminés.

  • Si le problème considéré comme à l’origine de la contamination persiste depuis longtemps dans l’établissement, l’exploitant peut être amené à retirer les lots produits pendant toute une période. Au contraire, les investigations amènent parfois à considérer que le problème est ponctuel.

Les mesures correctives ou préventives à mettre en œuvre pour éviter le renouvellement de la non-conformité

La gestion des alertes ne s’arrête pas à l’identification d’un lot non conforme et à son retrait ou rappel.

Chaque alerte doit faire l’objet de vérifications plus larges, et si besoin d’un examen in situ du procédé, pour comprendre et expliquer l’origine du danger. Une expertise de la situation par l’exploitant est indispensable pour comprendre, prévenir et éliminer les mécanismes qui ont engendré la non-conformité et concouru à la situation d’alerte.

Les mesures correctives doivent être définies par l’exploitant et doivent découler de son évaluation de la situation. Elles peuvent être de nature très variée et devraient être mises en place sans délais sauf si la production a été suspendue (exemples : modifications des procédés de production ou de nettoyage-désinfection, renforcement des autocontrôles, changement d’un équipement, rénovation d’un local, changement de fournisseur de matière première, formation du personnel, etc.).

L’efficacité des mesures correctives

Lorsque les mesures correctives ont été mises en œuvre, l’établissement vérifie leur efficacité par des autocontrôles analytiques (exemple : contrôles analytiques libératoires renforcés, contrôles environnementaux renforcés) et non analytiques (exemple : contrôles visuels renforcés de l’efficacité du nettoyage/désinfection). Il appartient à l’exploitant de définir la nature et la durée de mise en œuvre des mesures de vérification.

Dans ce cadre, un « contrôle renforcé » est un contrôle mis en place à une fréquence supérieure et/ou sur un échantillonnage plus représentatif qu’en routine.